Citation de cette fiche : R. BAJON,
janvier 2000. Marsilea quadrifolia L., 1753. In Muséum national
d'Histoire naturelle [Ed]. 2006. Conservatoire botanique
national du Bassin parisien, site Web. http://www.mnhn.fr/cbnbp.
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© MNHN-CBNBP J. CORDIER
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Caractères diagnostiques :
Plante herbacée, aquatique, généralement submergée ; basse ; enracinée au fond de l'eau ; rhizome longuement rampant.
Aspect général d'un trèfle à quatre feuilles.
Tiges plus ou moins rampantes sur le fond ; "feuilles" (= frondes) exondées ou intra-aquatiques ; "pétioles" (= rachis) plus ou moins longs, en fonction de la hauteur de la nappe d'eau (d'une dizaine de centimètres, pouvant aller cependant jusqu'à 70-80 cm) ; jeunes "feuilles" enroulées en crosse (= préfoliaison circinée) ; 4 lobes insérés en croix au sommet du rachis, toujours glabres et mats ; 2 à 3 cm de diamètre.
"Fructifications" (= sporocarpes) globuleuses, d'environ 4 mm de diamètre, glabres, courtement pédicellées ; insérées par 2 ou 3 un peu au-dessus de la base du "pétiole", et distinctement au-dessus du rhizome ; paroi dure, s'ouvrant par 2 ou 4 valves ; la déhiscence se produit par infiltration d'eau et gonflement d'un anneau mucilagineux qui fait s'ouvrir la paroi (d'où la nécessité d'une longue imbibition pour une bonne germination).
Confusions possibles :
Difficiles ; la seule confusion possible, avec Marsilea strigosa Willd., espèce méditerranéenne à feuilles exondées pubescentes et à sporocarpes très poilus insérés sur le rhizome à la base du "pétiole", paraît peu vraisemblable, les deux espèces n'ayant pas la même distribution géographique.
Caractères biologiques :
Espèce "à éclipses", qui parfois "disparaît" pour "réapparaître" ensuite de manière spectaculaire.
Le sporophyte est vivace ; les sporocarpes n'apparaissent en général qu'après une période d'émersion ; cependant la reproduction sexuée nécessite une phase d'inondation.
Il y a chez la Marsilée hétérosporie complète et hétéroprothallie : les microsporanges et les macrosporanges sont différents mais dans des sores communs ; les mégaspores ovoïdes à paroi lisse donnent des prothalles femelles, et les microspores globuleuses à paroi ornementée donnent des prothalles mâles ; les prothalles sont très petits, les prothalles mâles restant même inclus dans les microspores ; la fécondation est aquatique, avec, comme chez toutes les Ptéridophytes, un anthérozoïde cilié nageur.
La multiplication végétative est fréquente, par rupture des rhizomes et enracinement des fragments.
La dissémination est intra-aquatique (hydrochorie).
Aspects des populations sociabilité :
Du fait de ses rhizomes traçants, la Marsilée peut former des "populations" (en réalité, grâce à sa multiplication végétative et à ses rhizomes, sans doute des clones) denses et étendues (de 3-4 jusqu'à une cinquantaine de m2) ; son recouvrement peut, de plus, être important (elle forme souvent des peuplements presque monospécifiques).
Caractères écologiques :
Espèce aquatique de basse altitude (< à 200-300 m) ; écologie assez stricte ; s'installe toujours sur des sols pauvres et nus ; fortement héliophile, ne tolère pas l'ombrage ; ne supporte pas non plus une trop forte concurrence.
Habitats concernés :
Espèce des grèves oligotrophes de plans d'eau de niveau variable, surtout étangs, mares, bras morts des rivières, toujours de faible profondeur et plus ou moins asséchés en été. Dans les groupements pionniers, bas, des Isoeto-Nanojuncetea (et plus particulièrement du Nanocyperion flavescentis), ou des Littorelletea, avec d'autres espèces patrimoniales, comme la Pilulaire (Pilularia globulifera L.).
Répartition géographique :
L'aire générale couvre l'Europe tempérée tiède, de la France et du Portugal jusqu'à la Mer Noire et la mer Caspienne, une partie de l'Asie, ainsi que les Canaries et les Açores. Elle semble avoir existé jusqu'en Pologne. Les stations nord-américaines proviendraient, d'après des données récentes, d'introductions anciennes.
En France, l'espèce est très localisée, à basse altitude, essentiellement entre la latitude d'Orléans et celle de Grenoble : encore assez abondante dans les "boires" (bras morts) des vallées de la Loire et de l'Allier, en Anjou, Touraine, Orléanais, Sologne, Brenne, Nivernais ; assez abondante aussi en Bresse, dans la Dombes, et dans le Lyonnais ; quelques stations isolées dans le sud de l'Alsace, et dans le sud-ouest. En régression un peu partout.
Etat des populations :
Elle semble en régression un peu partout, y compris dans les zones où elle paraissait abondante au début du siècle (Bresse, boires de la vallée de la Loire et de l'Allier, Brenne) ; a cependant toujours été plus ou moins erratique, avec, localement, de longues éclipses et des "réapparitions" spectaculaires. Plus précisément, elle a été signalée récemment dans une vingtaine de départements du centre de la France (Vendée, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire, Vienne, Indre, Cher, Loiret, Allier, Saône-et-Loire, Puy-de-Dôme, Loire, Rhône, Ain, Isère, Jura, Territoire de Belfort, Haute-Saône, Haut-Rhin, Landes) ; mais elle semble avoir disparu de Mayenne, d'Ille-et-Vilaine, du Loir-et-Cher, et également du Gers et des Hautes-Pyrénées, où elle avait été autrefois signalée.
Menaces potentielles :
Les menaces principales sont les menaces directes sur les biotopes (zones humides temporaires en régression partout, à la suite de drainages, d'abaissement des lits des rivières, de pollution des eaux, etc.), auxquelles s'ajoutent
- des problèmes de dynamique des milieux, la plante ne supportant que mal la fermeture du milieu par les grands hélophytes (Joncs, Carex, qui forment un ombrage trop important et une concurrence trop forte),
- des problèmes de compétition, en particulier, dans le centre-ouest, celle de la Jussiée à grandes fleurs, Ludwigia grandiflora (Michaux) Greuter & Burdet, une Oenothéracée américaine introduite, qui colonise rapidement les berges des étangs et des bras morts de rivières,
- et, peut-être, des problèmes de génétique des populations, les "populations" étant en fait, sans doute, des clones, d'où des phénomènes de consanguinité, et, à terme, la régression, voire la disparition de certaines populations.
Bibliographie :
- BONNIER G., réédition 1990. La grande flore en couleurs de Gaston Bonnier. France, Suisse, Belgique et pays voisins. 4 tomes. Editions Belin, Paris. 1401 p.
- BOTINEAU M., 1991. Les Ptéridophytes protégées dans le centre-ouest de la France (régions Poitou-Charentes et Limousin). Bulletin de la Société Botanique de France, 138, Actualités Botaniques.
- JALAS J., SUOMINEN J., 1972. Atlas florae Europaeae : distribution of vascular plants in Europe . 1 . Pteridophyta. Committee for mapping the flora of Europe - Societas biologica Fennica Vanamo, Helsinki. 121 p.
- LACHAUD A., 1998. Étude de la répartition, de l'écologie de Marsilea quadrifolia et Thorella verticillatinundata - Propositions de gestion. Diplôme Universitaire Supérieur, Ingénierie de Milieux Aquatiques et des Corridors fluviaux, Tours & Conservatoire Botanique National de Brest.
- PRELLI R., BOUDRIE M., 1992. Atlas écologique des fougères et plantes alliées : illustration et répartition des Ptéridophytes de France. Editions Lechevalier, Paris. 272 p.
- PRELLI R., 2001. Les Fougères et plantes alliées de France et d'Europe occidentale. Editions Belin, Paris. 431 p.
- ROUY G., 1913. Flore de France ou description des plantes qui croissent spontanément en France, en Corse et en Alsace-Lorraine. Tome XIV. Société des sciences naturelles de la Charente-Inférieure, Paris. 562 p.